L'agriculteur dans la civilisation
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Pourquoi les rendements stagnent en France depuis les années 1990 ?

Roméo Vezo
20/10/22

Après avoir connu une croissance continue sur la deuxième moitié du XXème siècle, les rendements stagnent en France depuis les années 1990.

Autrement dit, la biomasse récoltée à l’hectare n'augmente plus pour la majorité des espèces cultivées et il est important d’en analyser les causes.

Nous nous baserons ici essentiellement sur les résultats publiés en novembre 2018 par Schauberger et al. dans une étude intitulée “Analyse de l'évolution des rendements, de la variabilité et de la stagnation des principales cultures en France sur plus d'un siècle” disponible sur ce lien.

En France et dans de nombreux pays européens : les rendements stagnent depuis 1990

Des chercheurs ont examiné des données portant sur 96 départements métropolitains français, comprenant plus de 120.000 observations de rendements agricoles de 1900 à 2016 pour dix cultures : l'orge, le blé tendre, le blé dur, le maïs, l'avoine, la pomme de terre, le colza, la betterave sucrière, le tournesol et la vigne.

Selon cette étude, la progression des rendements agricoles a stagné à partir de 1990 pour le blé tendre, le blé dur, l'orge, l'avoine et le tournesol. Ce qui est confirmé par toutes les statistiques.

Cette stagnation des rendements n'est pas propre à la France, mais concerne également plusieurs autres pays européens. En examinant les courbes de rendement en Belgique, Allemagne et Italie : on observe la même tendance dans ces pays.

Évolution du rendement du blé tendre sur la période 1961-2022 en France, Belgique, Allemagne, Italie (BANQUE MONDIALE, 2024)

Les causes possibles

Cette stagnation des rendements ne peut être attribuée à un seul facteur, et diverses pistes ont été explorées pour comprendre ce phénomène.

Toutefois, cette étude révèle que l'amélioration génétique des potentiels de rendements n'est pas à l'origine de cette stagnation !

1 - La diminution de la fertilisation :

  • Les tendances des rendements sont fortement liées aux apports d'engrais azotés (N) pour toutes les cultures étudiées.
  • Les tendances du potassium (K2O) sont également corrélées aux rendements, bien que de manière moins prononcée et absente pour le blé dur.
  • En revanche, l'application de phosphate (P2O5) ne montre aucune corrélation avec les tendances de rendement.

💡 Ce point sera approfondi dans la section suivante.

2 - Les changements climatiques :

  • La sensibilité des cultures aux variations climatiques semble être de plus en plus prégnante, surtout ces dix dernières années. Deux phénomènes sont particulièrement mis en cause : le stress thermique et les fluctuations hydriques.
  • L’évolution récente des conditions climatiques pourraient entraver l’augmentation des rendements sans adaptation des pratiques à grande échelle.
  • Les rendements minimaux toujours en augmentation suggèrent cependant que les pertes dues au climat défavorable ne constituent pas une raison majeure de la stagnation moyenne (sauf pour la vigne et le tournesol).

3 - Les décisions politiques :

  • Les politiques agricoles, comme celles de la Politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne, ainsi que les modifications des incitations financières ou des quotas pour certaines cultures, pourraient avoir conduit à une baisse des investissements en sélection ou à une réduction de l'utilisation d'intrants.
  • Une analyse plus approfondie est nécessaire sur la relation entre les facteurs politiques et la stagnation des rendements.

4 - L’évolution des pratiques culturales :

  • Des changements dans la rotation des cultures (comme une diminution des légumineuses) ou dans la teneur en carbone du sol pourraient avoir contribué à cette stagnation.
  • Les coûts marginaux des interventions de gestion pourraient avoir atteint un équilibre où un investissement supplémentaire dans la production agricole, par exemple via la fertilisation ou l'irrigation, ne serait pas rentable à la récolte, entraînant des niveaux stables d'intrants et de rendements.

5 - La conversion vers le bio :

  • L'augmentation de la part des terres en agriculture biologique peut entraîner une stagnation des rendements moyens, car les rendements biologiques sont généralement inférieurs à ceux des cultures conventionnelles.
  • Cependant, la part de l'agriculture biologique en France ne représente que 10% des céréales, ce qui n'est pas considéré comme une raison majeure de la stagnation.

La consommation d’engrais est en baisse dans de nombreux pays européens depuis 30 ans, contrairement à d’autres pays exportateurs

L'étude a révélé une forte corrélation entre l'évolution des rendements et celle des apports en engrais azotés (N) et en potassium (K2O). Un apport insuffisant en nutriments a une influence négative sur les niveaux de rendement moyens (à l'exception du blé dur et du raisin).

Les données sur l'application d'engrais n’étant pas spécifiques à chaque culture, il est difficile de tirer des conclusions précises sur l'effet de l'apport en éléments nutritifs sur les tendances des rendements pour chaque culture individuelle. Néanmoins, l’analyse permet de tirer des grandes tendances et d’étayer des hypothèses.

Depuis les années 1990, la consommation d’engrais est en baisse en France et dans d’autres pays européens (voir graphiques ci-dessous).

Si on multiplie les exportations par le nombre d’années, on se rend compte qu’on a peut-être vidé une partie de la réserve. Cette hypothèse pourrait expliquer en partie pourquoi le potentiel génétique des cultures n’est pas atteint aujourd’hui.

⚠️ À noter : seuls les taux d'application d'engrais minéraux ont été pris en compte dans l’analyse, alors que l'application d'engrais organiques peut également jouer un rôle crucial dans certains départements.

Consommation d’engrais sur la période 1961-2021 en France, Belgique, Allemagne, Italie (BANQUE MONDIALE, 2024)

À titre de comparaison, il est intéressant de constater que cette tendance n'est pas observée dans d'autres grands pays producteurs de céréales.

Pour étayer cette affirmation, nous avons examiné les courbes de rendement et la consommation d'engrais aux États-Unis, en Argentine, en Ukraine, au Canada et en Russie.

On observe que les rendements ne stagnent pas et que la consommation d'engrais augmente dans ces pays.

À gauche : Rendement des céréales sur la période 1961-2022 en Russie, États-Unis, Argentine, Ukraine et Canada.
À droite : Consommation d’engrais sur la période 1961-2021 en Russie, États-Unis, Argentine, Ukraine et Canada (BANQUE MONDIALE, 2024)

Conclusion

La stagnation des rendements est un problème à la fois à l’échelle internationale car la France est un exportateur majeur vers de nombreux pays, et à l’échelle locale pour la compétitivité et rentabilité des fermes françaises.

L’objectif n’est pas de revenir à la période pré-1990 en termes de technique. La révolution verte, avec l’avènement des machines, des engrais et des produits de santé végétale, est arrivée pour nourrir un pays d’après-guerre affamé.

Des arguments contre ces méthodes sont tout à fait justifiés et louables. Le contexte a changé et nous évoluons sur nos pratiques pour s'affranchir de celles qui ont des impacts forts sur l'environnement et le bilan carbone.

Comme nous l’avons vu dans la précédente News Letter sur l’essai à long terme de Hanninghof, les meilleures performances économiques et écologiques dans la durée sont atteintes grâce à une nutrition optimisée des cultures.

Il est donc important de proposer des solutions pour continuer à apporter des engrais de manière plus efficace, plus local et plus écologique !

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